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Ultra du Pas du Diable à Alzon (Gard) 16-4-2022

Ultra du Pas du Diable à Alzon (Gard) 16-4-2022

Florence Beynel est curieuse de connaître le récit que je pourrais faire de l’Ultra du Roc de la Lune auquel j’ai participé le 16 avril 2022. Mais je n’écris jamais de récit de course car je me dis que ça n’intéresse pas grand monde. Elle pense le contraire. Bon, alors le voici. Si vous vous en cognez, je ne m’en offusquerai pas ! Je vous comprendrai même. Mais si vous le lisez, sachez qu’il est long ! L’ultra pour moi c’est un jeu qui me procure un plaisir incroyable et qui m’entraine dans une bulle hors du temps dans laquelle je me sens paisible et serein.

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Alors, samedi, j’ai joué, j’ai beaucoup joué, j’ai joué longtemps. En fait, je me trompe car je n’ai pas joué seulement samedi. J’ai commencé à m’amuser les jours avant la course lorsqu’il a fallu penser au matériel que j’allais devoir utiliser, lorsque j’essayais de me mettre dans la tête le parcours et surtout son profil et lorsque je pensais à ce que j’allais emporter pour m’alimenter d’autant plus que j’avais choisi de m’inscrire à la formule sans assistance et sans ravitaillement (sauf liquide) afin de donner une dimension supplémentaire à mon jeu. Donc dans mon sac, j’avais toute ma bouffe pour la course ainsi que mes habits de rechange.

Pour rentrer dans ma bulle de paix et de sérénité, j’ai choisi de me rendre au départ à Alzon (Gard) à pied depuis le gite qu’on avait loué avec mes fidèles parents, seul dans la nuit au milieu des bois, mon chemin éclairé par ma frontale. Il était 23h30, le départ étant prévu à minuit.

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Mais le véritable jeu, c’est vrai, c’est celui qui commence avec le départ de la course à la lumière d’un feu d’artifice aux nuances de rouge, évocatrices du diable qui aurait, paraît-il, parsemé d’embûches les 120 km de cet ultra. Et pendant les 21 heures et 24 minutes qu’a duré ma partie, j’ai joué avec la nuit, le jour, le vent, les pierres, les racines, les feuilles mortes, la terre, la neige au sol, l’eau des rivières et des fontaines, ma tête, mes jambes, mon alimentation, mon matériel, mes parents venus me supporter, les gens autour de moi et j’en passe.

Et pour entrer dans mon jeu, je décide d’être ultra prudent et je pars le dernier, complètement en queue de peloton. L’ultra étant aussi un jeu de patience, je sais que j’ai le temps pour terminer au moins… avant-dernier. Mon idée étant que je ne dois pas me brûler les ailes dans les nombreuses montées, en grimpant sans me mettre une seule fois dans le rouge et en acceptant de me faire doubler, rattraper, remonter par d’autres alors que j’aurais pu aller un peu plus vite (ou moins lentement). C’est aussi ce que je veux faire sur les secteurs plats où beaucoup gaspillent de l’énergie pour pas grand-chose.

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Mais qui dit prudence en montée et sur le plat dit prise de risques maxi dans les descentes. Et ça j’adore (même si ça m’est déjà arrivé auparavant de me foutre en l’air mais c’est le jeu ma pauv’ Lucette). C’est la partie du jeu que je préfère et qui va me permettre de récupérer un nombre important de concurrents sur ces 120 km. S’il faut savoir monter en trail, il faut surtout aimer descendre et descendre longtemps.

On m’avait dit que ce trail était une « boucherie », un « chantier » ou « l’enfer », et pendant une trentaine de kilomètres, je me dis que la réputation de ce trail est un peu surfaite. Le parcours alterne entre montées plus moins longues mais moins techniques que je ne m’y attendais et descentes sans grandes difficultés non plus. La seule difficulté étant de rester prudent point de vue allure de course et de m’amuser à rester très tranquille. Ce premier quart de course se déroulant dans la nuit, j’en profite pour jouer avec elle et la lune en éteignant souvent ma frontale et progressant à la lumière de la pleine lune.

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Et puis je comprends. Le chantier commence un peu après le lever du jour, au km 38 avec la descente sur le village de Valleraugue, une descente raide de 5 km, très technique dans les pierres, les éboulis, les racines et la terre. Je me fais le premier gros plaisir de la journée en croquant à pleines dents ce passage qui m’a permis de doubler pas mal de monde.

Arrivé au ravito de Valleraugue (km 43), j’en profite pour refaire le plein d’eau, de boisson au glucose et de crème anti-frottements pour les pieds. Je vide aussi mes chaussures des petits cailloux qui s’y étaient accumulés. Mais physiquement et mentalement je suis bien, heureux d’être là tout simplement. Un ravito ne doit pas servir à se reposer. Si c’est le cas, c’est mauvais signe pour la suite… Ce doit être juste un point sur le parcours pour refaire ses réserves d’alimentation et de boisson et éventuellement se changer ou se crémer les pieds ou le…reste ! Je ne traine donc pas.

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La montée vers de sommet de l’Aigoual par le sentier des quatre mille marches va enfin commencer. Cette montée de 8 km et environ 1200 m de D+ porte bien son nom même si les marches ne sont en fait presque que rochers, cailloux et pierres. Et je pense qu’il n’y en a pas 4 000, mais bien plus ! Comme à mon habitude j’attaque tranquillement cette difficulté en me laissant rattraper et distancer par quelques traileurs que je finirai par retrouver plus tard, cuits ou diminués…

Arrivé au sommet de l’Aigoual, j’ai réussi à garder ma fraicheur et, le sourire qui s’affiche sur mon visage là-haut traduit le bonheur et la sérénité qui m’habitent à ce moment-là. Un bref arrêt au ravitaillement et la descente vers Camprieu débute. Je sais, de plus, que mes parents seront au ravito de Camprieu ce qui me fait vraiment chaud au cœur.

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Cette descente par paliers, qui commence dans la neige, je la passe très tranquillement afin d’économiser mon énergie pour plus tard, mon idée étant d’être encore assez frais pour faire le chien fou dans la dernière longue descente du Saint-Guiral, à 8 km de l’arrivée. Mais c’est dans bien longtemps encore !

Une fois cette descente de l’Aigoual avalée, une jolie surprise m’attend avec le passage dans le gouffre de Bramabiau, partie souterraine du parcours qui vaut à mon GPS quelques minutes de repos. C’est vraiment très amusant de pénétrer dans les entrailles de la terre et de visiter ce lieu original en pleine compétition. Sorti de ce gouffre, un peu de course sur terrain presque plat me permet d’arriver au ravitaillement de Camprieu au km 65 environ. La moitié de la course est déjà pliée.

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A cet endroit-là, je revois pour la première fois mes parents depuis le premier km. On en profite pour discuter, mon père et ma mère m’encouragent pour la suite, on se raconte forcément quelques conneries, je me change rapidement, je mange et je remplis mes flasques. Tout ça rapidement et sans m’assoir puisque je vais bien. Je suis toujours autant heureux d’être là et le chantier annoncé est bien là mais finalement pas si terrible… enfin c’est ce que je crois…

Parce qu’en fait maintenant ce sera chantier jusqu’au bout ! A partir de là, le parcours se transforme en une succession de montées et de descentes techniques souvent en single, souvent en sous-bois jonchés de feuilles mortes et de racines et surtout, surtout en hors-piste. Je pense que les organisateurs s’étaient donnés pour mission d’éviter au maximum tout chemin déjà tracé, tout passage sans caillasses, buissons, racines et autres pièges, toutes lignes droites…sauf celles qui coupent droit dans l’pentu en montée comme en descente !

Mais ça tombe bien car j’adore ça ! Je m’amuse avec tout ça, je prends beaucoup de plaisir même si forcément quelques douleurs aux jambes apparaissent. Mais, c’est bien normal et ce n’est pas inquiétant au bout de plusieurs heures et 80 km de course. Les montées je les passe toujours en gérant bien mes efforts et, les descentes en envoyant un peu plus. Au final, à Trèves j’ai encore repris beaucoup de monde. Mais ma première erreur a été de faire cette descente de Trèves un peu trop vite finalement.

Au ravito de Trèves (km 85 environ), je retrouve une nouvelle fois mes parents. Je passe peu de temps dans la salle des fêtes, je me mouille la tête et la casquette mais en fait, je me dis que je repars trop vite, que vu la chaleur et ce qui m’attend j’aurais dû passer encore plus de temps la tête sous le robinet, que j’aurais dû marcher un peu plus avant d’arriver à Trèves. Au moment de repartir, dans un coin de ma tête, je sens que j’ai fait une erreur. En fait, j’en ai fait une autre et je ne m’en rendrai compte que plusieurs minutes plus tard : j’ai cru que j’avais rempli mes deux flasques mais j’ai oublié d’en remplir une. Je repars donc sans le savoir avec insuffisamment d’eau pour affronter la chaleur et la suite dantesque de ce parcours.

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Et pourtant physiquement ça va toujours. Je continue à gérer les montées en acceptant que certains me reprennent et je cours un peu plus vite dans les descentes toujours très piégeuses. Les organisateurs nous font repasser encore deux fois à Trèves. Ils voulaient absolument que le parcours fasse 120 km pour plus de 6000 m de D+, quitte à faire des «bouclettes » ardues en supplément.

Je laisse Trèves définitivement pour attaquer une incroyable montée en direction de la Serre du Cade. Ce sera la partie la plus difficile que j’aurai à gérer durant cet ultra. La chaleur venant rajouter du piment au jeu, d’autant plus que je me rends compte qu’il ne me reste presque plus rien à boire. En voulant avaler une gorgée d’eau, c’est là que je m’aperçois enfin que j’ai oublié de remplir une de mes deux flasques. Le moral en prend un coup, je m’engueule forcément d’avoir oublié de remplir une flasque et je me dis que le jeu va s’arrêter sur une connerie de ma part. Si tu fais une hypoglycémie, tu manges un peu, tu attends que ça passe et ça repart, mais là si tu n’as plus d’eau, c’est la déshydratation, c’est fini. Rideau ! Il y a quelques années, du côté de Saint-Sandoux, ça m’avait valu de finir un trail aux urgences alors qu’il ne me restait plus que 2 bornes avant l’arrivée.

Je ne suis donc pas serein. J’économise mes dernières gouttes, je ne bois que quelques gouttes à chaque fois, j’aspire au maximum sur mes flasques pour ne rien gâcher. Mais je vois bien que ce sera compliqué de rejoindre Dourbie (km 103) sans eau. La montée se fait dure, je monte très doucement, je vois que deux traileurs ne sont pas loin devant et que malgré mes difficultés je comble le retard que j’ai sur eux. Ils sont cuits et je ne suis pas loin d’être comme eux aussi.

Mais lorsqu’on joue à un jeu, il faut aussi parfois compter sur la chance ! Elle prend la forme d’une jolie randonneuse qui elle, redescend en direction de Trèves. Je m’arrête à sa hauteur pour lui demander si elle pourrait me donner un peu d’eau à condition que ça ne lui fasse pas défaut pour finir sa randonnée. Un autre traileur en profite pour faire comme moi. Elle est vraiment sympa et elle nous partage les 20 cl qui lui restent. Elle me sauve la vie !!! Je vais pouvoir continuer mon aventure ! J’en profite pour avaler le contenu d’une pipette « Coup de fouet » et je vais déjà mieux même si je sais que 10 cl d’eau ne seront pas suffisants pas aller à Dourbie quand même.

Je repars doucement car la chaleur fait mal. Et je dois toujours économiser l’eau. Quelques centaines de mètres me séparent d’une difficulté à laquelle je ne m’attendais pas : la grotte Saint-Firmin. C’est un passage très raide, limite dangereux, que l’on doit passer à l’aide d’échelles et de cordes. Et évidemment dans le noir. Il faut donc que je ressorte la frontale de mon sac. J’ai cru que jamais je n’aurais la force de le faire et de ressortir de ce trou à rat. Je m’arrête, je prends mon temps, j’enfile ma frontale, j’avale le contenu d’une autre pipette, je souffre. Mais, qui dit grotte, dit température fraîche. Encore un coup de bol quoi !!!! Cette fraîcheur passagère me fait regagner en lucidité. Je ressors de cette grotte avec un peu plus d’entrain mais avec toujours très peu d’eau… Il va falloir un autre coup de chance pour m’en tirer.

Mais tant bien que mal, je passe les difficultés doucement, sans trop me poser de questions. J’avoue toutefois qu’un passage à quatre pattes dans une canalisation me fait me demander si les organisateurs ne sont pas un peu sadiques !

Au bout de quelques minutes, la fatigue se refait à nouveau sentir. Mon peu d’eau est presque à sec et le moral recommence à vaciller. Je me dis qu’il faudrait que je m’arrête pour reprendre une pipette mais je n’en ai pas le courage. Ma lucidité commence donc à nouveau à s’étioler. Mais je le répète, je suis dans un jeu et je vais à nouveau avoir un petit coup de pouce du destin, sous la forme d’une pipette qu’un traileur passé avant moi a fait tomber. Il arrive parfois que l’on perde une pipette utilisée sans s’en rendre compte mais celle-ci est neuve. Cela me permet d’éviter de faire l’effort d’enlever mon sac à dos et de chercher une autre pipette à l’intérieur. Je ne connais pas cette marque de pipette mais j’avale son contenu sans réfléchir. J’avale quelques gouttes d’eau qui restent au fond de mes flasques et je repars en me marrant et en me disant que forcément je vais m’en tirer.

Et effectivement ça va mieux moralement et physiquement. Dernier miracle, avant d’arriver à la Serre du Cade, à un carrefour, j’aperçois au loin Loulou l’organisateur de ce trail qui tient un point d’eau rajouté, en raison de la météo particulièrement chaude ! Je vais pourvoir me sauver définitivement et remplir mes flasques d’eau au maximum !!!

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Ma joie est vite mise en berne lorsqu’il m’annonce, qu’à partir de maintenant, on va tous être détournés en raison des conditions météo trop chaudes et en raison de la difficulté du parcours. Je ne comprends pas bien cette décision alors que seulement un quart du peloton est passé et que le fait de rajouter un point d’eau me parait suffisant pour éviter cette mesure exceptionnelle. Mais je garde mes pensées pour moi car je sais aussi que les organisateurs de trails se sentent responsables de la vie de leurs participants en cas de gros pépin. C’est peut-être une sage décision finalement.

Le parcours sera donc raccourci de 4 km pour arriver au ravito suivant à Dourbies. Mais je comprends dans la discussion que la déviation n’a peut-être pas été encore mise en place. Je ne suis pas venu là pour enfiler des perles, je ne suis pas venu là pour avoir un parcours raccourci alors je me dis que si je ne traine pas, je vais peut-être pouvoir passer avant la mise en place du raccourci.

Je comprends avec la suite du parcours que j’y suis parvenu et que je vais faire le vrai parcours. En effet, quel chantier encore ! C’est à nouveau une succession de monotraces et de hors-pistes en plein cagnard, dans les éboulis, les racines, la terre et les buissons. Mais je prends un pied incroyable ! Je suis bien à nouveau, pas frais mais bien. Montées et descentes se succèdent ainsi jusqu’à un second point d’eau rajouté à 4 km du ravito de Dourbies. Mentalement, ces 4 km me semblent tellement longs ! Alors, je ralentis, je gère mon allure, je veux arriver assez bien à Dourbies car ensuite, ce seront 8 km de montée et 8 km de descente pour boucler la boucle.

Le ravito de Dourbies (km 104 environ) sera le dernier du parcours et c’est la dernière fois que je vais voir mes parents avant Alzon. Lorsque j’aperçois mon daron, je le trouve inquiet. Il pense qu’il m’est arrivé quelque chose, que j’ai eu un coup de pompe énorme car beaucoup de concurrents qui étaient derrière moi à Trèves sont arrivés avant moi à Dourbies. Je l’informe que beaucoup ont été détournés alors que moi j’ai pu passer avant la mise en place de la bifurcation.

Soulagé, il voit bien que je me sens bien, que je vais bien et que j’ai la banane ! Pour le classement, je ne sais pas comment les organisateurs vont faire pour prendre en compte le fait que certains ont été détournés et pas d’autres, mais honnêtement je m’en cogne. Je suis toujours très heureux d’être là, peu importe ma place, peu importe les éventuelles erreurs de classement.

Je discute avec mes parents, je recharge mes flasques à nouveau, je bois de l’eau gazeuse, je bois de l’eau plate, je prends une pipette dans mon sac. Mon père me fait marrer car comme il a toujours faim et qu’il est gourmand, il réussit à se servir un bout de pain d’épice sur la table du ravitaillement après avoir demandé l’autorisation à un bénévole. Je vois que beaucoup de traileurs arrivent épuisés à Dourbies, mangent trop, s’assoient, se font remonter le moral. Bref, ils sont mal.

Je ne m’assois toujours pas. Je suis excité de repartir pour la dernière partie du parcours. Je suis bien dans ma peau. Je commence à ressentir un sentiment de plénitude m’envahir. Je ressors du ravito en sachant que sauf blessure, c’est gagné, j’irai forcément au bout. Evidemment j’ai mal aux jambes mais la tête va me guider au-delà de la douleur.

Je repars du ravito en marchant sur quelques dizaines de mètres comme à mon habitude en ultra puis je cours tant que ça descend. Et c’est la montée en direction du Saint-Guiral, dernier point haut du parcours. Cette montée de 8 km, je l’attaque donc en marchant et en gérant toujours dans les côtes les plus raides. Je me parle souvent, signe que je suis un peu dans un état second mais que je suis bien.

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Je me dis que c’est vraiment beau le coin, que je suis déjà passé là lors du trail des Hospitaliers quelques années auparavant, que je vois des traileurs devant mais que je remonte sur eux et que je vais « me les faire » si je ne fais pas le con. J’avoue quand même avoir lâché un « Loulou enc… » lorsque, à un carrefour, le parcours nous fait prendre à droite, un panneau indiquant le Saint-Guiral à 3 km alors qu’à gauche le Saint-Guiral est indiqué à 2 km.

Après avoir bien négocié une partie en montée dans les cailloux, les feuilles mortes et les racines, le chemin s’élargit et s’ouvre en une « avenue » en faux plat montant. Ma tête passe outre les douleurs aux jambes et je décide de trottiner, ce qui me permet encore de rejoindre des concurrents et de les doubler. J’en double même qui sont des concurrents du 90 km. Cela me stimule encore plus de voir que je suis plus frais qu’eux… ou moins cuit !

La dernière partie de la montée au Saint-Guiral se fait à nouveau en single et en marchant souvent. Toutefois à 1,5 km du sommet, je me sens vraiment bien et je décide de courir, observant que le terrain s’y prête. Je ne remarcherai presque plus jusqu’à l’arrivée.

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Le sommet passé, il ne reste plus que 8 km de descente avant la délivrance. Le soleil commence à se coucher mais il fait encore assez clair pour descendre sans frontale. C’est tellement plus drôle ! Cette descente commence par un secteur très technique dans lequel je m’amuse beaucoup et où j’essaie de sauter de pierre en pierre pour ne pas trop me ralentir. Puis la descente est à nouveau une avenue où je peux courir sans trop faire attention où je dois poser les pieds. Je rejoins et double beaucoup de concurrents, dans une autre partie de cette descente hyper-technique au milieu de la caillasse. La luminosité est maintenant faible mais je ne mets toujours pas ma frontale ce qui surprend beaucoup les gens que je double car ils ne me voient pas arriver.

Je me dis que ça va bientôt se finir, Alzon n’est pas loin, je vois son clocher. Mais je vois en contrebas sur ma droite des petites lumières qui partent à l’opposé d’Alzon. Je comprends que le parcours bifurque en bas de la descente et que la frontale va forcément être nécessaire maintenant. Je ne m’arrête pas pour mettre ma frontale, je garde mon sac à la main, l’ouvre en trottinant, prends ma frontale et me la colle sur le casque avant de remettre mon sac sur le dos.

La descente terminée, je suis à 300 m d’Alzon mais je comprends que l’arrivée n’est pas pour tout de suite puisque le parcours bifurque effectivement sur ma droite au lieu d’aller tout droit vers l’arrivée. Je l’avoue, là, le jeu commence à me casser un peu les couilles ! Quel intérêt de bifurquer ici !

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Et, surprise, rien ne nous est épargné, car maintenant, il faut franchir une rivière. Pas le temps ni l’envie de chercher à passer sans me mouiller les pieds. Je traverse les pieds dans l’eau jusqu’aux genoux et me dis que maintenant ce sera forcément bientôt l’arrivée, que cette rivière est la dernière difficulté.

Mauvaise pioche : sorti du cours d’eau, je cherche le chemin sur ma gauche puis sur ma droite. Je ne le vois pas. C’est normal, il se matérialise en face de moi par une foutue côte d’une centaine de mètres dans les herbes hautes. Je passe en marchant, en appuyant comme une mule sur mes bâtons qui auront été de fidèles compagnons depuis le départ, et en commençant à sentir la colère envers les organisateurs monter en moi.

Heureusement au sommet de la côte c’est un chemin très large qui m’attend. Et je sais que, cette fois, au bout ce sera Alzon. Je cours vraiment du plus vite que je peux, je râle, je gueule contre Loulou et Carole, tout seul dans le noir. Je suis en colère, je leur en veux d’avoir rajouté cette petite boucle. Mais je ne leur en veux plus depuis !!!

J’avale plusieurs centaines de mètres de cette piste lorsqu’enfin le parcours prend à gauche pour descendre en single en direction d’Alzon. Je suis heureux de voir les premières maisons du village d’arrivée mais je suis toujours en colère quand même et je cours comme un lapin (fatigué). Je vois ma mère qui m’attend à un carrefour dans Alzon, je traverse la grand-rue pour me rendre au stade.

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Une dernière boucle, dans le complexe sportif au lieu d’arriver directement me fait gueuler une dernière fois, seul dans la nuit, et c’est l’arrivée comme une balle dans la salle des fêtes d’Alzon.

Je suis tellement content d’être là, tellement bien ! Il est 21h24. C’est donc aussi mon temps de course. Je viens de boucler cet Ultra du Pas du Diable auquel j’étais inscrit depuis 2020 mais qui avait été reporté deux fois à cause d’une certaine épidémie qui nous a bien brouillé l’écoute. Le speaker me fait parler au micro. Je lui dis que c’est des malades ici ! Que ce trail est un truc de fou mais que j’étais prévenu et que j’ai adoré. Il me dit qu’avec Carole et Loulou c’est forcément un truc de fou. Et on se marre.

Je finis 7ème de la formule sans assistance ni ravitaillement solide (mais on était peu à l’avoir choisie !) et si on mixe les formules avec et sans assistance je suis aux alentours de la 40ème place sur 190 participants au départ. Les premiers, Antoine Guillon et Cédric Chavet, ont mis 14 h 58 mn. Les derniers mettront 31 heures.

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Je retrouve mes parents dans la salle, je parle avec un concurrent du 90 km et sa copine ainsi qu’avec la 4ème féminine qui est vraiment sympa et qui vient d’une autre terre de trail : Chamonix. Je me change car j’ai froid petit à petit. Il se fait tard, je n’ai pas dormi depuis très longtemps mais je suis excité comme une puce et… j’ai faim ! Je veux du salé, j’en ai marre du sucre. Avec mes parents nous reprenons la voiture pour 5 minutes et c’est le retour au gîte. Douche et bouffe !!! Mais ça c’est une autre histoire.

J’ai pris un plaisir incroyable, malgré certains moments de souffrance sur cet ultra, au milieu d’une nature et de paysages magnifiques. Je suis content de la façon dont je m’en suis sorti. Je suis content de la prépa que j’avais effectuée à base d’endurance, d’endurance et d’endurance, de D+, de D+ et de D+ mais aussi avec un peu de seuil forcément… et de ski-roues. Je suis toujours très surpris après un ultra de voir ce que peut encaisser le corps humain et comment il s’adapte à la longueur de l’effort. C’est vraiment avec ce format-là, que je ressens cette impression de ne pas être dans la nature mais d’être une partie de la nature. C’est peut-être con ce que j’écris là mais c’est mon ressenti.

Maintenant, je vais récupérer. Le prochain trail ne sera pas un ultra mais il y ressemblera. Et ce sera avec les amis du BAC Laurence et Stéphane Lafarge, et Jean-Jacques Meyroneinc en Suisse début Juillet. Je sais déjà qu’on va bien se marrer et qu’on va bien bouffer ! Mais ça aussi, ce sera une autre histoire…

Voilà, bravo à vous si vous êtes allés au bout de cette prose indigeste ! Vous avez réalisé une sorte d’ultra en me lisant. J’espère que vous avez des médocs contre le mal de tête…

Philippe Quincy

photos : Sylvie et Jean-Claude Quincy,  et du site https://trailrocdelalune.fr/

A propos de Olivier Siméon

Au club depuis 2009, ancien président (2020-2023) Courses nature et sur route. Partisan du covoiturage.

3 commentaires

  1. Bravo philippe
    Surtout merci pour ce compte-rendu non soporifique
    Belle performance
    Sportivement
    Robert

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