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Le grand trail des Templiers ou la recherche de l’âme du trail – 22/10/17

Le grand trail des Templiers ou la recherche de l’âme du trail – 22/10/17

Je vous propose de vous faire vivre de l’intérieur la grande aventure des Templiers. Je  connaissais cette course de nom seulement. En effet, j’avais entendu des récits de course par mon pote Seb. mais aussi par les copains du club, les frères Gutierrez Jean-Manuel (alias manu) et Simon. Plus encore Sophie Pelissier et Franck Roche, aussi membre du BAC, me confirment la beauté du site, la grandeur de l’événement. J’allais alors me lancer dans l’inconnu en m’inscrivant sur internet. Ce n’est encore que du virtuel, mais c’est ainsi que l’aventure d’un trail « longue distance » (76 km, 3600m D+) allait commencer à s’écrire.

Samedi 21 Octobre 2017

Il est 18h, nous arrivons sur le site, la vallée du Lot en contrebas des Grands Causses du Larzac, surplombé par l’imposant viaduc de Millau et la célèbre puncho d’Agast  dont vous aurez des nouvelles plus tard dans le récit. Dès le retrait des dossards, nous ressentons l’effervescence de cette manifestation, la grandeur du site et de l’événement. C’est un mélange d’excitation et de peur quand on a le dossard entre les mains, qu’on regarde le tracé du parcours, et que l’on envisage la planification de l’assistance. J’en profite pour remercier Yves P. et Martine Robert,  sans qui cette aventure n’aurait pu aboutir, pour leur suivi et leurs encouragements. Ils ont patienté souvent, se sont déplacés beaucoup, avec la peur de mal faire mais toujours avec sérieux et je rajouterai même un certain professionnalisme. Au nom de nous cinq, Merci !

Dimanche 22 Octobre 2017

Il est 4h. Le réveil sonne. Les 3 aventuriers  (Manu Simon et moi-même) ainsi que leur Sherpa Yves commencent leur journée. La nuit aura été courte. Le changement de cadre, une chambre petite pour quatre personnes mais aussi un petit mélange de pression et de peur est palpable, auront raison de nos 3 aventuriers et de leur sherpa. La tribu ne dormira que trois heures. Pour autant, le petit déjeuner se verra copieux afin de prendre des forces pour le reste de la journée. Franck, Sophie et Martine, logent ailleurs car cette dernière a couru la veille. Elle a bouclé sa course, le 50 km (2300 D+) en 10h17, bravo. Elle garde la forme le lendemain, en assurant le rôle d’assistante.

Il est maintenant 5h30. Nous sommes sur le lieu du départ. C’est le temps de prendre quelques photos, de saluer des amis, de dire des « bonjours ». Très vite, ces paroles de transforment en « au revoir », « à toute », enfin « à je ne sais pas quand, ni dans quel état »… Nous sommes entre parenthèses, dans un cadre suspendu à la réalité où à 6 heures du matin, 2600 coureurs frontale vissée sur la tête et autant voir plus de spectateurs, assistants sont rassemblés, presque agglutinés, dans l’entonnoir de la vallée du lot. Le départ est imminent. Les derniers encouragements mutuels sont le symbole d’un travail d’équipe au service d’une performance individuelle. Il ne faut pas oublier qu’au BAC, le trail n’est pas qu’une histoire personnelle mais aussi et avant tout une aventure humaine, sociale et collective.
Après un discours sur le silence, le décompte est lancé, 10, 9, 8… Le cœur bat plus vite, l’émotion monte. Les fumigènes orange éclairent la vallée, et la musique d’era (« Ameno ») parachève ce spectacle. Les frissons et l’émotion face à ce spectacle sont palpables, autant chez les coureurs que chez les spectateurs. Le décompte touche à sa fin, le speaker annonce 0, mais notre cerveau l’a devancé, nous sommes déjà partis. Le coup de pétard retenti, l’aventure des Templiers commence maintenant.

Le départ est assez rapide pour l’ensemble de la première vague de coureurs. Les coureurs du sas élite sont déjà loin, on aperçoit leurs lumières au large.  Je pars aussi assez rapidement, tandis que  tout le reste du groupe est en gestion pour ce début de course. Ce premier quart d’heure de course sera pour moi un temps d’immersion dans la course en me fondant dans ce peloton de frontales. J’observe les autres coureurs, et je suis déjà en train d’imaginer la suite qui ne sera plus du bitume et encore moins du plat. C’est la fin de la route, et après ces premiers kilomètres à plus de 12km-h, se dresse à la sortie d’un village, la première montée. Elle se fait au train, en file indienne, en suivant le rythme imposé à l’avant. Arrivés sur le plat, nous pouvons désormais délier les jambes et dérouler tranquillement. La météo est capricieuse en ce dimanche matin, car après cette première montée, la pluie et le vent s’invitent, je dirais plus s’incrustent dans le paysage où scintille un défilé de frontales. Mon rythme est assez soutenu mais je garde en tête les conseils de mes compagnons du jour : « Il faut arriver frais à Massebiau ». Cette phrase, associée à  » au 45ième, commence une autre course », sonneront toujours en moi et je m’efforcerai de me le rappeler à de nombreux moments de la course.

Le premier ravitaillement arrive et nous éteignons nos frontales aux alentours des 2 heures de course. J’avance toujours dans l’inconnu, avec envie et prudence. Derrière, Simon et Manu font la course ensemble à leur rythme tout comme Sophie et Franck. Ils sont tout en gestion. Les coureurs s’égrainent  au fil des kilomètres et enchaînent les singles. Les différents ravitaillements se succèdent (l’organisation propose une offre complète et montre ici son professionnalisme). Après un premier tiers de course relativement roulant où les sentiers/chemins sont carrossables, une autre course commence à la Roque Ste-Marguerite au 45e km.

Après une première descente exigeante et piégeuse, nous effectuons un passage rapide sur le bitume pour traverser la rivière et tourner directement à gauche. Sans signalisation, on ne pouvait imaginer l’existence d’un chemin et plus particulièrement d’une montée sinueuse. Cet enchaînement descente piégeuse / montée raide, sera un peu le fil rouge de cette course. Nous sommes désormais sur le plateau, des singles techniques à flanc de falaise sont au programme. Ce terrain est nouveau pour moi. Pour autant, je me laisse un peu de temps pour admirer le paysage et perché sur les causses je contemple les différentes vallées en contrebas. Le jour se lève progressivement, et nous laisse découvrir des couleurs magnifiques ; les arbres ont revêtu leur manteau d’automne. L’exigence du terrain demande une gestion de course quant à la vigilance à tenir : pas de place au répit. Je ralentis l’allure pour éviter les pièges (parfois et souvent signalés par un marquage, merci l’organisation) et en garde dans les jambes et sous les pieds car il reste encore du chemin et du dénivelé.

C’est aux alentours de 6h de course, que j’ai commencé à rentrer dans un autre État, une autre dimension. J’observe une transformation physique et psychologique de mon corps. J’avance avec  relâchement et côtoie le « lâcher prise avec la réalité », celui tant décrit par les ultras trailleurs. Le corps semble avancer tout seul, tel une machine pré-reglée.

C’est après l’enchaînement de singles techniques et d’une descente en file indienne, que j’aperçois Massebiau. Nous entrons dans la troisième partie de course, redoutée et de tous.

Nous arrivons tous dans un état de fraîcheur relativement convenable, pour affronter sur 10 km plus de 1000 mètres de dénivelé positif et tout autant en négatif. Autant dire qu’après plus de 8h de course, une autre course commence. Les jambes sont encore fraîches, je ne sens pas de gênes musculaires. J’ai juste des douleurs qui surviennent de manière diffuse. Les tendinites et les côtes cassées qui ont perturbés ma préparation ne sont pas soignées. En ce sens, le corps compense en faisant travailler davantage d’autres parties du corps. C’est un peu la magie de la « machine humaine ».

C’est ainsi que nous rentrons dans le dur, le haut niveau. La marque de fabrique de l’aventure des Templiers commence à s’écrire plus sérieusement. Deux montées exigeantes, suivies de descentes techniques, vont s’enchaîner rapidement. Ainsi, après une entrée savoureuse, un plat de résistance copieux, les Ogres des Templiers s’attaquent désormais au dessert épicé et très pimenté. L’avant-dernière montée, pour arriver à la Cade, se déroule bien. Les jambes répondent toujours pour monter à un bon rythme et sur le plat (enfin quand il y en a….) me permettent de relancer encore. Après une descente vertigineuse, la fameuse Poncho se dessine devant nous. Parfois obligé de poser les genoux pour escalader, souvent contraint à ralentir le rythme, à s’aider des bâtons, mais toujours avec détermination et lucidité nous arrivons à cette fameuse antenne qui surplombe Millau. Nous apercevons sur notre gauche Millau, avec en toile de fond le viaduc. Le panorama est superbe, mais pas le temps de trop s’attarder. Oui la tête et les jambes veulent avancer car l’ensemble du corps communique le même message : continuer l’aventure entamée il y a un peu plus de 8h. Après être passé sous un ultime rocher (la grotte du hibou), avoir senti quelques parties du corps dont on pouvait parfois ignorer l’existence, avoir glissé une dernière fois, s’être retenu aux arbres dans cette descente technique, nous entendons le speaker au loin. Les jambes sont au rendez-vous, et permettent de relancer sur cette ultime partie « roulante » qui succède à cette descente très exigeante. Un dernier virage à droite, une dernière montée ponctuée de quelques marches, et nous franchissons la ligne d’arrivée. Le passage sous cette arche légendaire après plusieurs heures d’efforts (Ju 9h22, Simon 10h29, Manu 10h31, Sophie 11h25 et Franck 11h59) provoque un sentiment personnel, subjectif, qui est difficile à expliquer et à retranscrire par écrit. Quoi qu’il arrive, nous avons ce sentiment du devoir accompli, la satisfaction d’en avoir terminé. J’arrive léger, les jambes en bon état, l’esprit aéré (même s’il s’est installée une certaine fatigue mentale relative au stress de la gestion de course, de la vigilance pour chaque pas face à la difficulté du terrain), en un mot heureux. Je me retourne pour contempler cette arche derrière moi, sans oublier un petit regard pour Yves, et réalise désormais en reprenant la marche en avant que c’est la fin de l’aventure des templiers, l’épilogue d’une journée riche en émotions.

 

Ps : je n’oublie pas tous ceux qui nous ont accompagné durant la préparation, nous ont suivi sur internet via le live proposé par l’organisation. MERCI à tous.

Julien Prouheze

A propos de BAC

Un commentaire

  1. Merci Julien pour ce très beau récit.

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